Antoine Idier (Maître de Conférences à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye): “Politiques des archives LGBTQI+. Un fonds à la marge : les collections de Michel Chomarat à la bibliothèque de Lyon”
Avant de présenter l’intérêt du fonds Chomarat à Lyon et d’interroger le statut des archives, Antoine Idier présente ses travaux de recherches sur les archives LGBTQI+ à partir de son ouvrage : Archives des mouvements LGBT+, publié le 24 octobre 2018 aux éditions Textuel.
L’objectif des Archives des mouvements LGBT+ était de donner à voir des archives qui sont rarement reproduites dans les livres de recherche et de participer à complexifier le débat sur les archives LGBT+. Historiciser la problématique des archives LGBT+ met en évidence l’importance de la conservation de ces archives pour écrire l’histoire des groupes minorisés. Il faut rappeler que des archives LGBT+ existent déjà grâce à des initiatives militantes, ce qui posent par ailleurs la question d’une opposition supposée entre archives publiques et initiatives communautaires ou militantes dans leur légitimité et leurs différentes stratégies de conservation. Revenir sur les archives dans le temps permet de d’interroger le rôle du passé dans la construction de l’identité politique contemporaine des groupes minorisés. Les archives ne prenant leur sens que dans le regard qu’on leur porte et les questions qu’on leur pose, les Archives des mouvements LGBT+ tâche d’éviter toute essentialisation des archives présentées.
Antoine Idier a été le commissaire de l’exposition “Dans les marges”, à la bibliothèque de Lyon (du 15 septembre 2022 au 28 janvier 2023), et présente dans ce contexte l’intérêt du fonds Chomarat, premier et seul fonds LGBTQI+ conservé dans des archives publiques en France. Ce fonds comprend plus de 55 000 documents catalogués et au moins autant encore non-catalogués. Sa création est intimement liée à la biographie de son fondateur, Michel Chomarat. Sa condamnation pour homosexualité en 1978 ou la perte de son compagnon à cause de l’épidémie de SIDA ont joué un rôle clé dans la politisation de sa position et dans son ambition de conserver la parole de ceux qui ne sont plus là. Le fonds Chomarat pose des questions sur le statut des fonds d’archives en interrogeant le pouvoir symbolique d’une archive publique, ici la bibliothèque municipale de Lyon à laquelle les archives sont prêtées par Michel Chomarat. Le fonds ne comporte par ailleurs pas uniquement des archives liées au mouvement LGBTQI+, mais toute sorte de collections ou de séries rassemblées par son fondateur, comme des livres anciens ou des flyers du festival d’Avignon. Le fonds étant aussi alimenté par des donateurs, il est lié à des trajectoires biographiques et contient par essence des silences.
Les travaux d’Antoine Idier sur les archives LGBTQI+ sont l’occasion d’une question de recherche plus large sur le statut de l’archive en général. Quelle distinction entre une œuvre, un texte, une source, et comment la canonisation d’une source se concrétise-t-elle ? Dans la mesure où tout peut être source, comment définir la légitimité des sources auxquelles se consacre un projet recherche, dans quelle mesure peuvent-elles être hiérarchisées ? Il est d’usage que les textes soient conservés en bibliothèque et les objets au musée. Ce n’est pas le cas pour le fonds Chomarat qui rassemble des archives de toute sorte, qui témoignent de la culture d’une communauté et des représentations qu’elle produit à une période donnée.
Compte rendu rédigé par Claire Selosse (doctorante en Études germaniques, REIGENN)
claireselosse
Professeure agrégée d'allemand. Doctorante en Études Germaniques (Sorbonne Université) pour REIGENN (EA 3556, http://reigenn.sorbonne-universite.fr)
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OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
claireselosse (24 février 2023). [CR] Antoine Idier: “Politiques des archives LGBTQI+” (CR séminaire Archives manquantes #1, 17 février 2023). Ailleurs germaniques, nordiques et néerlandophones. Consulté le 17 janvier 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/tkiw